Par Frank Bunte CEO A2MAC1 et Christophe de Charentenay CEO M@Air

Pas facile de s’y retrouver lorsqu’on veut passer à la voiture électrique pour réduire son empreinte carbone. Les débats vont bon train mettant en avant l’effet CO2 négatif de la fabrication de la batterie, le contenu carbone de l’électricité selon le pays où on se déplace, le transport de la voiture de son usine de production jusqu’à son lieu de vente… Pour essayer de guider les clients, nous avons estimé l’empreinte carbone des 10 modèles de voitures électriques les plus vendues en France et Allemagne. En effet, même si, à partir du 1 janvier 2024, les constructeurs devront communiquer sur l’empreinte carbone des batteries, aucune comparaison indépendante appliquant une même méthode entre modèles n’était jusqu’à présent disponible.

Avec l’aide des données d’A2MAC1, spécialiste de l’analyse technologique et économique des voitures de tous les grands constructeurs mondiaux depuis plus de 25 ans, et en identifiant les lieux de production des modèles et des cellules de batteries, nous avons pu reconstituer une estimation de l’empreinte carbone de chacune des voitures électriques les plus vendues en 2022 en France et Allemagne soit au total 15 modèles. Cette estimation n’utilise pas les données des constructeurs eux-mêmes et donc ne les engage pas.

Quels sont les résultats ?

Sans surprise le groupe de tête des plus faibles émetteurs de carbone d’après notre estimation est composé des petits modèles : Twingo électrique et Dacia Spring . Si ces modèles roulent en France pendant 125 000 kms, ils émettent sur leur cycle de vie moins de 9 tonnes de C02eq. En matière de carbone « Small is beautiful ».

À l’autre extrémité, les VW ID4,  Tesla model Y et Audi Q8 sont supérieures à 18 Tonnes sur le même indice, soit de l’ordre de deux fois plus.

La hiérarchie entre modèles est quasiment la même si les véhicules roulent en Allemagne mais les impacts carbones y sont nettement plus élevés : autour de 15 tonnes pour Twingo électrique et Dacia Spring, tandis que les grands modèles de marques US et Allemandes doublent la mise : 30 tonnes.

 

Estimation de l’impact carbone des 10 modèles électriques les plus vendues en France en 2022

Lecture : la Peugeot e208 émet entre 12 et 13 tonnes de CO2eq pour un usage de 125 000 Kms (Fabrication et fin de vie comprises) et elle réduit ses émissions CO2 eq de 15% par an sur 10 ans par rapport à une Peugeot 208 thermique. Résultats détaillés et méthode de calcul ici et sur www.a2mac1.com.

Mais si je choisis de remplacer ma voiture thermique en fin de vie par une voiture électrique, de combien vais-je réduire mes émissions de CO2 ?

Pour répondre à cette question, nous avons estimé selon la même méthode l’impact carbone d’une voiture thermique équivalente : par exemple nous comparons une Peugeot 208 thermique à une Peugeot e208 électrique.

Bonne nouvelle pour les usagers en France : si l’automobiliste roule en France(1) et reste dans la même catégorie de véhicule, tous les transferts du thermique vers l’électrique montrent non seulement une baisse mais encore mieux, l’automobiliste réussit à accélérer sa baisse d’émission nettement au-delà des -5% d’émissions par an pour les 10 ans à venir.

Le fameux -5% par an qui nous permettrait de garder l’augmentation de température de la planète inférieure à 2°C selon les prévisions du GIEC. Dans la course de vitesse que nous impose le changement climatique, l’électrique tient sa place à condition bien sûr de ne pas augmenter ses distances annuelles et de rester dans la même catégorie de véhicule.

Les automobilistes en Allemagne auront un choix plus contraint s’ils souhaitent cocher la case du -5% par an et valider ainsi leur contrat climat dans le domaine de la mobilité. Pour atteindre cet objectif sans rogner sur la distance parcourue annuellement, ils devront descendre d’une catégorie de modèle. Par exemple un client de BMW série 3 diesel ne pourra pas atteindre cet objectif en basculant vers une Tesla model 3, il lui faudra choisir une Opel Corsa électrique ou une Zoe. Mais si il est un rouleur plus intensif : 17500 kms par an au lieu de 12500 Kms, son passage à l’électrique dans la même gamme (Tesla Model 3)  lui permettra de réduire de plus 5% son impact carbone.

Les calculs confirment le bon sens :  les modèles lourds et à vitesse maximale élevée sont fortement émetteurs de carbone même avec une propulsion électrique poussée à ses extrêmes avec des batteries de masses supérieures à 700 kg !

Si par leur choix de véhicule les clients ont un rôle à jouer dans la transition bas carbone, les constructeurs automobiles ont aussi, par la conception et la fabrication, de nombreuses opportunités pour gagner la compétition du climat: par exemple privilégier pour les longues distances la recharge rapide plutôt que l’augmentation de la capacité des batteries. Un optimum est à rechercher pour avoir des voyages sur autoroute confortables avec des batteries de taille raisonnables. Mais aussi optimiser les pertes d’énergie liées à la charge : les mesures montrent des différences significatives entre modèles, on peut voir jusqu’à 10% des Kwh « s’évaporer » entre la prise et la batterie. Ou encore de jouer astucieusement avec le réseau électrique en installant des systèmes de recharges intelligentes qui transforment les batteries en mini barrages appelés pour passer les pics de consommation du réseau.  Enfin réduire la masse des véhicules est le plus souvent un pari gagnant pour la réduction de l’empreinte carbone.

Autant d’innovations qui verront le jour si les labels climat viennent signaler les véhicules les moins émetteurs de CO2 et que les clients s’engagent dans cette course pour le climat : elle se gagne en voyageant léger et…moins vite.

(1) Hypothèse de 12 500 kms par an pendant 10 ans. Plus la distance parcourue annuelle augmente, plus l’intérêt de passer à l’électrique plutôt que de rester au thermique s’accroit du point de vue carbone.

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